« Je n’ai pas de talent, mais j’ai le talent des autres », déclarait l’imprésario des Ballets Russes Serge de Diaghilev, qui avait, notamment, su faire se rencontrer un Picasso, une Coco Chanel et un Nijinski. Il convient ici de renverser la formule pour l’adapter à notre artiste, Alexandre Joseph Elkouby. En effet, je constate depuis notre rencontre amicale et créative, qui remonte à 2001, qu’il est doté du talent et du talent des autres. Et ce, sur un mode éclectique, humaniste et protéiforme dans chacune des disciplines qu’il exerce, avec une – clef. Car, à l’image du symbole de la serrure ouverte vers la boîte de Pandore dans Mulholland Drive de David Lynch, l’œuvre d’Alexandre, qu’elle soit picturale, à travers dessins et peintures, photographique, filmique, fonctionne par la brisure des verrous. Son pinceau, son appareil et sa caméra sont utilisés par lui de manière à nous embarquer dans son univers singulier, tissé de poésie intimiste, d’un puissant onirisme et, in fine, de la montée orchestrale d’un symbolisme que je dirais en filiation avec un Odilon Redon du côté de ses toiles, d’une capture des émotions les plus tapies par la pudeur dans son travail photographique, comme de la rêverie musicalement rythmée par la pureté simple et communicative de paix et de partage dans ses opus cinématographiques, qu’ils soient documentaires ou fictifs. D’où, donc, talent et talent des autres. Il sait mettre en lumière autant la part enfouie de nos désirs d’enfance éternelle, la sienne et la nôtre. Car oui, grâce à ses traits de crayon, de pinceau, comme de zooms et de plans séquences, Alexandre nous réapprend à communier avec la dimension bénie du monde, soit la beauté de la vie, dans ses détails qu’il nous invite à redécouvrir, et surtout la joie communicative de nos interactions. Il sait capturer les instants de grâce de nos élans amoureux, de nos moments où tout bascule vers la sérénité, même parfois en passant par une certaine plongée dans l’abîme de nos angoisses – définition du Sublime par Burke inspiré par Longin. Or, si cette donnée peut sembler simple, voire limpide et aisée par le résultat de ses produits artistiques, elle advient par sa foi, certes, qui guide son parcours, mais, pour plagier Nietzsche, par la patience, « la grande patience », celle qui exigeait de Beethoven qu’il revoie la copie de ses partitions mille et une fois, mille et une nuits. Aussi, Shéhérazade de notre contemplation, Alexandre nous offre la promesse de construire en le suivant dans son chemin créatif un monde nouveau, à l’image de la substitution Biblique du vieil homme par la jeunesse de la fascination pérenne. E – Clef – ctisme donc des techniques employées, mais, toujours, sous le faisceau lumineux du symbole de l’espoir. Qui n’est pas le fruit du hasard. Parce que, quitte à me répéter, « si rien de grand dans le monde ne s’accomplit sans passion », en paraphrasant Hegel, il y a, pour que la passion s’accomplisse, patience et longueur de temps, que ce soit, ici, par la patience du pinceau, l’arrêt sur image, et les fondus des plans séquences. Et si la longueur de temps était gage de longueur d’avance sur la période sombre que nous traversons ? Fiat Lux – Que la Lumière revienne."
Bérengère Alfort, Docteur en Philosophie Nietzschéenne, Auteur, Scénariste, Conseillère Artistique.